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ritoire canadien, appelé par une législation récente à jouer, comme port libre, un rôle important dans un avenir peu éloigné.

Dans le lointain on distinguait les arches percées à jour de cette fameuse masse de rochers, qui a prêté son nom à l’établissement voisin. Rien de plus singulier, de plus bizarre, de plus curieux que ce roc Percé, taillé à pic, d’une hauteur de plusieurs centaines de pieds et dont la base se perd dans les eaux. Fier comme un géant, il brave depuis des siècles la rage des tempêtes. Son sommet sourcilleux, inaccessible à tout autre qu’aux habitants des airs, se couvre chaque année d’une riante végétation. Le roc Percé a la forme d’un parallélogramme rectangle. Une barque de pêcheur pouvait à marée haute passer à toute voile sous la plus élevée de ses arches qui étaient au nombre de deux, avant l’éboulis de juin 1846. La surface du rocher n’est pas tout à fait plane ; une extrémité est moins haute que l’autre de quelques pieds, ce qui lui a valu le nom euphonique de « Dos d’âne. »

De judicieux observateurs ont remarqué que ce roc a dû, à quelque époque reculée, faire partie du mont Joly qui l’avoisine ; la pierre paraît être la même et les couches se correspondent dans leur épaisseur et leur direction, ce qui favorise davantage cette hypothèse. En été la partie supérieure de Percé se revêt d’un gazon touffu. Le coup d’œil est vraiment ravissant lorsqu’au moyen d’une lunette d’approche, on aperçoit les myriades d’oiseaux qui viennent déposer leurs œufs sur ce sommet, rendez-vous de la gent emplumée, sur un rayon de dix lieues et plus. C’est là que le noir cormoran, la mauve, le pigeon de mer, le goëland, en un mot tout le gibier aquatique du voisinage tiennent leurs états généraux. Lorsqu’il y a signe de tempête, que l’atmosphère est chargée, c’est le moment d’entendre les cancans, les croassements, le babil de ces locataires aériens. Au sein des brumes d’automne, qui rendent très incertaine la position des vaisseaux que les courants jettent dans ces parages, le bruit de ces volatiles devient d’un secours admirable aux marins : véritables canons d’alarme placés par la nature dans la région des autans, ils enseignent au nautonier l’écueil qu’il doit fuir et le port de sûreté, objet de ses vœux. Mais le temps le plus intéressant pour voir cette colonie, c’est au moment de la ponte. D’abord l’œil découvre une pelouse de verdure : au sein de chaque touffe de gazon, brille le plumage éclatant de blancheur du magnifique goëland tout entier à l’incubation des œufs. On distingue la tête et le dos de ces oiseaux surmontant la verdure comme des flocons d’écume, dans une verte prairie.

Il y a quelque chose d’antique et de vénérable dans ce