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Il parle du Pleuvier à collier interrompu :

« C’est cette espèce-là ou l’autre, ou une espèce voisine, qui entretient commerce d’amitié avec le Crocodile du Nil et lui sert de cure-dent après ses déjeuners. Comme le Crocodile n’a pas la langue mobile pour se rincer la bouche à l’instar des autres bêtes, il a grand besoin de l’aide d’un plus petit que lui pour se désobstruer les molaires à la suite de ses repas. Il a donc confié cet office de curage à un petit oiseau que les Arabes nomment le Fouilleur, et qui fréquente les égouts des cités et les rives des fleuves où il a chance de rencontrer son pourvoyeur. Aussitôt que le Crocodile qui l’attend l’aperçoit, il ouvre sa large gueule comme fait le patient pour son opérateur, et tient complaisamment ses mâchoires entr’ouvertes tant que dure l’opération, ayant grand soin de ne les pas refermer que l’oiseau ne soit dehors. Le fait avait été observé pas Hérodote, il y a près de trois mille ans et consigné par lui dans ses intéressants récits sans que personne ne voulût croire à sa véracité, tant l’esprit des mortels est rebelle aux enseignements de l’histoire et il a fallu pour raviver l’incrédulité des Modernes qu’un savant de nos jours, que l’illustre Geoffroy Saint-Hilaire eût vérifié de ses propres yeux l’exactitude du témoignage d’Hérodote. Si le Directoire n’eût pas décidé l’expédition d’Égypte et si Geoffroy Saint-Hilaire n’eût pas fait partie du corps savant destiné à accompagner l’armée expéditionnaire, le monde savant en serait encore à cette heure à douter de la sincérité du père de l’Histoire, et voilà à quoi tient la réputation des grands hommes. »