Page:LeMoine - Ornithologie du Canada, 1ère partie, 1861.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

« Si ce peuple avait su le caractère du visiteur, loin de s’en effrayer, il fût venu sans doute à sa rencontre pour lui faire de ses cris, de ses battements d’ailes, un salut amical, une fraternelle ovation.

« Dans ces années terribles où l’homme fit de l’homme la plus vaste destruction qui jamais se soit vue, il y avait en Écosse un homme de paix. Pauvre tisserand de Glasgow, dans son logis humide et sombre, il rêvait la nature, l’infini des libres forêts, la vie ailée surtout. Son métier de cul-de-jatte, condamné à rester assis, lui donna l’amour extatique du vol et de la lumière. S’il ne prit pas des ailes, c’est que le don sublime n’est encore dans ce monde que le rêve et l’espoir de l’autre. Nul doute qu’aujourd’hui, Wilson, tout à fait affranchi, ne vole, oiseau de Dieu, dans une étoile moins obscure, observant plus à l’aise sur l’aile du condor et de l’œil du faucon.

« Il avait essayé d’abord de satisfaire son goût pour les oiseaux en compulsant les livres de gravures qui prétendent les représenter. Lourdes et gauches caricatures qui donnent une idée ridicule de la forme, et du mouvement rien ; or, qu’est-ce que l’oiseau hors la grâce et le mouvement ? Il n’y tint pas. Il prit un parti décisif : ce fut de quitter tout, son métier, son pays. Nouveau Robinson Crusoé, par un naufrage volontaire, il voulait s’exiler aux solitudes d’Amérique, là, voir lui-même, observer, décrire, peindre. Il se souvint alors d’une chose : c’est qu’il ne savait ni dessiner, ni peindre, ni écrire. Voilà cet homme fort, patient et que rien ne pouvait rebuter, qui apprend à écrire très-bien, très-vite. Bon écrivain, artiste infiniment exact, main fine et sûre, il parut, sous sa mère et maîtresse la Nature, moins apprendre que se souvenir.

    juillet 1766. Dès sa jeunesse, il montra des talents littéraires et un génie poëtique d’un ordre supérieur. Parmi des occupations industrielles, il trouva le moyen d’écrire et de publier diverses poésies qui lui valurent l’estime du poëte national Burns, dont il devint plus tard un des admirateurs les plus enthousiastes En 1794, il s’embarqua pour l’Amérique ; sans ami, sans argent, son existence était loin d’être couleur de rose : il était souvent en proie à la plus sombre mélancolie. Mais son génie et son admiration passionnée de la nature devaient bientôt triompher de tous les obstacles ; sa réputation établie sur de fortes bases, même de son vivant, ne fit que s’accroître après sa mort. Il mourut en 1813, martyr de la cause qu’il avait embrassée. Si Audubon est le patriarche des naturalistes de l’Amérique, on peut considérer Wilson comme le pionnier, le créateur de cette science dans le nouveau monde, et, malgré les progrès du siècle, les œuvres de Wilson servent encore de livre de texte à tous les naturalistes. — (Note de l’auteur.)