Page:LeMoine - Ornithologie du Canada, 1ère partie, 1861.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

des Grues au Canada ; Charlevoix même en mentionne deux variétés.[1] Des naturalistes pour lesquels nous avons beaucoup d’estime, prétendent malgré tout, qu’il ne vient pas de Grues en ce pays. Mais d’où donc procède ce nom de l’Île-aux-Grues, île chérie des dieux et des chasseurs ; est-ce que l’autorité de Linné, de Temminck, de Wilson doit aller pour rien ; est-ce que le témoignage du fondateur de Boucherville ; celui encore plus précis du grand historien de la Nouvelle-France, ne doit pas être pris en compte ; est-ce que le Canada n’est pas un peu sur la ligne de marche des Grues qui émigrent chaque année de la Floride et du sud-ouest vers le cercle arctique, lieu de la ponte ? Nous prétendons donc, sauf preuve du contraire, que ces deux beaux étrangers au port majestueux et de la taille d’un grenadier, que nos chasseurs ont remarqués, à diverses reprises, ces années dernières sur la plage de l’Île-aux-Grues et sur la batture de St.-Thomas, à basse marée et auxquels ils ont tendu en vain des embûches, ne sont pas des Grands Hérons bleus, mais bien des Grues, ces oiseaux voyageurs dont parle Horace,[2] « Gruem advenam. »

La différence de plumage chez les vieux et les jeunes a été cause de bien des erreurs, de beaucoup de confusion dans les auteurs. Trois variétés de Grues sont mentionnées par Baird, dans son Rapport. C’est le plus grand oiseau de la Faune de l’Amérique ; il aime les marais, les vastes savanes, dans le voisinage de l’océan. Oiseaux essentiellement migrateurs, leur vol est extrêmement puissant et si élevé lorsqu’ils émigrent, que l’œil les voit à peine ; ceci a lieu la nuit aussi bien que le jour. Ils sont fort méfiants, fort vigilants, se nourrissent de rats, de souris, de racines d’herbes, de graines de légumes, de grenouilles, de lézards et de couleuvres. Le sens de l’ouïe et de la vue est très développé chez

  1. « Nous avons des Grues de deux couleurs ; les unes sont toutes blanches ; les autres d’un gris de lin. Toutes font d’excellents potages. » — (Voyage en Amérique.)
  2. Épodon.