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bres de leurs fruits, et découvrent adroitement, sous les feuilles desséchées qui jonchent le sol, les fruits et les graines de l’année précédente. Vers midi, les oiseaux vont se reposer et faire la digestion sur les arbres voisins ; mais lorsque le soleil disparaît sous l’horizon, tous s’envolent en même temps, et retournent en masse vers le juchoir commun, situé souvent à plus de cent lieues de leur réfectoire.

« Cette fidélité au juchoir leur est fatale. C’est toujours un bois de haute futaie que les Pigeons choisissent pour lieu de repos ; mais sous ces arbres séculaires, où ils vont arriver au commencement de la nuit, se prépare une horrible scène de destruction. Des populations entières de chasseurs et de fermiers viennent les y attendre longtemps avant le coucher du soleil ; les uns arrivent avec des chariots vides qui seront remplis dans quelques heures, les autres amènent des troupeaux de porcs qui doivent s’engraisser sur place de la chair savoureuse et succulente des Pigeons.

« Chacun fait ses préparatifs ; les fusils sont chargés, les torches allumées ; les réchauds pleins de soufre, dont la vapeur doit étouffer les Pigeons, sont prêts ; enfin, vers neuf heures du soir, un cri général se fait entendre : les voilà ! Ils arrivent en effet, et leur passage agite l’air, comme la brise qui annonce l’ouragan ; leurs innombrables légions s’abattent sur les arbres, et alors commence une scène de carnage et de confusion difficile à décrire ; les cris des assaillants, les coups de fusil multipliés, le fracas des hautes branches brisées par le poids des malheureux oiseaux qui s’y précipitent et écrasent leurs compagnons perchés sur les branches inférieures ; tout dans cet effroyable tumulte, inspire un sentiment de peine autant que de surprise au naturaliste qui ne consent à détruire que pour observer.

« Pendant ce massacre, les Pigeons arrivent par millions ; c’est à minuit seulement que les dernières bandes entrent dans la forêt ; mais le carnage dure jusqu’au jour. Dès que les rayons du soleil ont frappé la cime des arbres, les Pigeons quittent le