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cette éclipse d’un nouveau genre, la fiente des Pigeons tombait comme une neige épaisse, et leurs ailes produisaient un sifflement monotone qui provoquait le sommeil. Le calcul que fit Audubon pour évaluer la quantité de ces Oiseaux lui donna un résultat effrayant. « Supposons, dit-il, une colonne d’un mille de largeur ; supposons qu’elle effectue son passage en trois lieues : comme sa vitesse est d’un mille par minute, sa longueur sera de cent quatre-vingt milles, composés chacun de mille sept cents soixante verges : si chaque verge quarrée est occupé par deux Pigeons, on trouvera que le nombre de ces Oiseaux est un milliard, cent quinze millions, cent trente-six mille (1,115,136,000). Or chaque individu consommant, dans une journée, une demi-pinte de fruits, la nourriture d’une bande exige huit millions sept cent douze mille (8,712,000) boisseaux de graines par jour.

« Les troupes émigrantes se tiennent bien au-dessus de la portée d’une carabine ; dès qu’un Faucon vient menacer leur arrière-garde, les rangs sont serrés ; une masse compacte se forme, exécute les plus belles évolutions aériennes, se précipite vers la terre avec l’impétuosité d’un torrent ; puis, lorsque ses zigzags multipliés ont lassé la persévérance de l’ennemi, elle rase le sol avec une vitesse inconcevable, et se levant de nouveau comme une colonne majestueuse, elle reprend ses ondulations, imitant dans l’air, mais sur une échelle démesurée, la marche sinueuse d’un serpent.

« Dès que les Pigeons aperçoivent de loin une quantité suffisante de nourriture, sur les arbres ou dans les campagnes, ils se disposent pour une halte ; on les voit voler en tournant pour explorer les environs, et ces mouvements circulaires, dans des plans diversement inclinés, font briller tour à tour les belles couleurs de leur plumage. Dans une position, toute la bande se revêt d’un bleu clair, qui, bientôt après, est remplacé par un pourpre foncé ; bientôt ils se glissent dans les bois et disparaissent sous le feuillage. Ils dépouillent les ar-