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le temps de calmer ses alarmes. Madame se hasarda à en approcher, prête à fuir au premier signe de danger ; le Geai ramassa des miettes de châtaignes : elle suivit son exemple, mais toujours sur le qui vive. Tous ces symptômes de défiance disparurent avant le soir, et, la nuit venue, tous deux se perchèrent côte à côte sur le même juchoir, amis comme Castor et Pollux. Quand le Geai voulait boire, l’autre oiseau sautant sans façon dans l’abreuvoir, s’y baignait en éclaboussant son compagnon, qui supportait ce traitement avec une patience de petit saint : entre chaque bain, il se hasardait à prendre une becquetée d’eau et paraissait de la meilleure humeur possible. Il permettait à la dame de lui tirer les favoris[1] ; elle s’amusait aussi à lui nettoyer les griffes des fragments de châtaignes qui y adhéraient : tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Est-ce l’infortune commune qui était le lieu de cette amitié ? Toujours est-il vrai que le caractère tyrannique du Geai peut s’adoucir, et qu’on parvient à lui faire respecter en captivité des oiseaux qu’il dévorerait libre dans la forêt. »

Il est non-seulement hardi et bruyant, mais il imite dans l’occasion, à s’y méprendre, le cri de l’émerillon : il assemble par ce moyen une bande de Geais, et chacun de tourmenter et d’attaquer l’oiseau de proie. La pièce quelquefois tourne au tragique ; l’émerillon fixant une victime, s’élancera dessus et la sacrifiera à sa faim et à son ressentiment : à l’instant la face des choses change ; de hauts cris proclament le désastre et la bande s’envole.

Le Geai est susceptible d’éducation ; plusieurs faits l’attestent. Les bandes de Geais bleus en Canada ne sont jamais bien nombreuses.

Comme bien d’autres oiseaux, ils jouent un rôle important dans les forêts : les graines qu’ils avalent et qu’ils rejettent servent à reproduire un nombre

  1. Longs poils roides que les moucherolles, les geais et autres espèces ont à la base du bec.