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pris sur le fait, il s’esquivera sans bruit, comme si sa conscience l’accusait.

Sa haine contre le hibou lui a fait prendre part à la sainte alliance, à la ligue formée entre la corneille, le titiri, l’hirondelle, pour châtier l’égorgeur, des attentats qu’il commet sous le voile de la nuit contre le monde ailé. À l’apparition du nocturne, le Geai bleu sonne son tocsin d’alarme et les Geais du voisinage d’accourir. On entoure, on embrouille (style d’élection) le solitaire, qui, à l’instar de bien d’autres blagueurs sans plumes, affecte un grand calme, voire même une attitude imposante ; mais enfin la réprobation universelle le force à fuir : poursuivi par la troupe furibonde, il s’enfonce dans un épais buisson et paraît s’y croire en parfaite sûreté : tel naguère, un valeureux champion des libertés populaires, se blottissait discrètement de record en une historique armoire,[1] un jour d’élection et pour cause.

Pourtant le Geai bleu ne vaut guère mieux que le nocturne ; au besoin, il ne se fait aucun scrupule de piller les nids des autres oiseaux et de dévorer les jeunes ; les parents des opprimés se liguent ensemble et le forcent à battre en retraite. Pendant la disette de l’hiver, il se gorge de n’importe quelle charogne qu’il rencontre dans ses courses. Tel est son caractère à l’état sauvage. Wilson parle d’un Geai apprivoisé qu’il possédait, lequel fit preuve d’instincts sociaux à un haut degré : « Je le mis d’abord, dit-il, dans une cage avec un Pivart, lequel faillit l’assommer : je l’ôtai et je le plaçai avec un Loriot de verger, femelle. La princesse prit une attitude confuse et craintive, comme si la présence de l’intrus dans son domicile était pour elle un outrage. Le Geai, tapi au bas de la cage, était parfaitement immobile, comme pour donner à son amie

    naires cherchant non seulement le vivre, mais aussi le couvert, se faufila dans la grange. Il devint victime de sa hardiesse ; mais après avoir été admiré, choyé et bien nourri par les enfants du logis pendant une semaine entière, on le rendit à la liberté. — (Note de l’auteur.)

  1. Visible au Palais de Justice, à Québec.