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Cette haine implacable des Corneilles et de certains autres oiseaux pour le hibou, a été le sujet d’une singulière expérience que nous fîmes ce printemps. Nous attachâmes un duc empaillé au haut d’un grand orme qui ombrage notre demeure ; ceci avait lieu le soir. Le lendemain, dès l’aube, la famille entière fut éveillée par le plus diabolique vacarme que nous eussions entendu depuis bien longtemps. Il fut facile d’en découvrir la cause. En ouvrant la fenêtre, nous vîmes une nuée de Corneilles, entourant en tous sens l’oiseau de nuit ; les unes le frappaient avec leurs ailes à la figure, mais en prenant toutes les précautions du monde pour se garantir des griffes du monstre. Quelques-unes plus hardies, se hasardèrent sur la branche où était le duc, et se traînant avec précaution, elles le saisirent sournoisement par les plumes de la queue, qu’elles essayèrent de lui arracher une à une, mais non sans crainte qu’il ne se retournât, puis elles s’envolaient bien vite après chaque tentative ; plus tard, voyant que l’oiseau ne résistait pas, les plus braves l’attaquèrent de front avec leurs ailes et leur bec, et elles ne cessèrent que vers huit heures du matin, lorsqu’elles l’eurent entièrement culbuté. L’ennemi étant en déroute, les Corneilles se dispersèrent dans Spencer Wood et dans le Bois-Gomin, pour revenir le lendemain réitérer le même tapage, car nous avions rétabli l’ennemi de la veille. Même résultat chaque jour, pendant trois semaines mais avec moins de Corneilles ; ces oiseaux ayant enfin constaté à n’en plus douter le décès du duc, la paix se rétablit. Quoique défiante,[1] la Corneille aime à séjourner dans les bois qui l’ont vu naître : il y en quatre ou cinq qui fréquentent chaque été

  1. On les capture au moyen de cornets de fer blanc ou de carton, enduits à l’intérieur de glu, de résine ou de goudron : un fragment de viande ou de poisson est jeté dedans : Margot, dans sa voracité, plonge le bec dans le cornet, qui l’encapuchonne. Elle s’élève de suite perpendiculairement à perte de vue, puis elle retombe à terre, épuisée où on la décoiffe et où on la prend. (Note de l’auteur.)