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gré la résistance de leur mère, pour nourrir leurs petits : souvent la poule réussit à repousser l’agresseur. Plus d’une fois nous avons été témoin des bruyants conciliabules, dont les Corneilles accompagnent ce que nos cultivateurs appellent Noces de Corneilles. Cela a lieu ordinairement dans l’après-midi ; le vacarme, une fois commencé, acquiert un crescendo rapide et devient bientôt assourdissant. Après avoir, pendant une demi-heure, sillonné l’air en tous sens, au-dessus d’un grand sapin, la bande entière s’abat sur ses rameaux. Leur sombre plumage sur la verdure de l’arbre, présente au loin un singulier spectacle. Un grand sujet de jubilation pour les Corneilles, c’est la découverte en plein jour d’un Chat-huant ou Duc de Virginie, espèce nocturne et qui ne laisse pendant le jour ses épais fourrés que pour cause majeure. Le ban et l’arrière-ban des Corneilles se battent immédiatement dans tout le canton : de noires cohortes arrivent de toutes parts à la fête. S’il se trouve un Geai ou un Titiri dans le voisinage, il s’enrôle comme escarmoucheur léger, pour harasser le hibou en le becquetant d’en haut, tandis que les Corneilles voltigeant autour, lui tirent, en passant, la queue ou les plumes, ou bien le frappent avec leurs ailes. Le brigand, perché sur une grosse branche, se tient immobile, et dans un morne silence, il semble méditer une vengeance éclatante dès que la nuit se fera. Ses agresseurs le pressent-ils de trop près, il fait claquer son bec, et rouler ses gros yeux jaunes. Enfin, ne pouvant y tenir, il s’élance dans les airs et gagne d’un vol incertain le plus prochain buisson, le taillis le plus impénétrable et se soustrait de cette sorte au martyre qu’on lui avait réservé.

    œufs ; en vain les cherchait-on, jusqu’à ce que nous nous aperçûmes que les corneilles se les appropriaient. Elles se plaçaient sur le haut d’une cheminée en ruines, près des buissons les canards avaient fait leurs nids et guettaient le moment où ils pondaient pour enlever les œufs, même avant que la pondeuse les eût laissés, et faisaient ainsi, tous les matins, un bon déjeuner aux dépens du mien. » — (Ed. Glackemeyer, de Charlesbourg.)