toire de deux pauvres enfants perdus dans un désert de glace et qui s’aiment et s’ignorent sous le regard de Dieu. Ouvrez le livre à cette page orageuse de la matinée de mai, où l’haleine fiévreuse du printemps verse au cœur des innocents des troubles inconnus, où le besoin d’aimer fait explosion dans la poitrine de Laurence qui cherche en son extase… Une langue de feu — pour crier de bonheur vers la nature et Dieu. Écoutez, écoutez :
LAURENCE
Vois dans son nid la muette femelle
Du Rossignol qui couve ses doux œufs,
Comme l’amour lui fait enfler son aile
Pour que le froid ne tombe pas sur eux.
Son cou, que dresse un peu d’inquiétude,
Surmonte seul la conque où dort son fruit,
Et son bel œil éteint de lassitude,
Clos du sommeil, se rouvre au moindre bruit.
Pour ses petits son souci la consume ;
Son blond duvet à ma voix a frémi :
On voit son cœur palpiter sous sa plume
Et le nid tremble à son souffle endormi.
À ce doux soin quelle force l’enchaîne ?
Ah ! c’est le chant du mâle dans les bois,
Qui, suspendu sur la cime du chêne,
Fait ruisseler les ondes de sa voix !
Oh ! l’entends-tu distiller goutte à goutte
Ses lents soupirs après ses vifs transports,
Puis de son arbre étourdissant la voûte
Faire écumer ses cascades d’accords ?
Un cœur aussi dans ses notes palpite !
L’âme s’y mêle à l’ivresse des sens,
Il lance au ciel l’hymne qui bat si vite,
Ou d’une larme il mouille ses accents !
À ce rameau qui l’attache lui-même ?
Et qui le fait s’épuiser de langueur ?