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une langueur si touchante. C’est dans ces tons passionnés que l’on reconnaît le langage du sentiment qu’un époux heureux adresse à une compagne chérie, et qu’elle peut lui inspirer ; tandis que dans d’autres phrases plus étonnantes peut-être, mais moins expressives, on reconnaît le simple projet de l’amuser et de lui plaire, ou bien de disputer devant elle le prix du chant à des rivaux jaloux de sa gloire et de son bonheur.

« Ces différentes phrases sont entremêlées de silences, de ces silences qui, dans tout genre de mélodie, concourent si puissamment aux grands effets. On jouit des beaux sons que l’on vient d’entendre, et qui retentissent encore dans l’oreille : on jouit mieux parce que la jouissance est plus intime, plus recueillie, et n’est point troublée par des sensations nouvelles : bientôt on attend, on désire une autre reprise ; on espère que ce sera celle qui plaît ; si l’on est trompé, la beauté du morceau que l’on entend ne permet pas de regretter celui qui n’est que différé, et l’on conserve l’intérêt de l’espérance pour les reprises qui suivront. Au reste, une des raisons pourquoi le chant du rossignol est plus remarqué et produit plus d’effet, c’est parce que, chantant seul, sa voix a tout son éclat, et n’est offusquée par aucune autre voix ; il efface tous les autres oiseaux par ses sons moelleux et flûtés, et par la durée non interrompue de son ramage, qu’il soutient quelquefois pendant vingt secondes. »

Voyons maintenant comment Toussenel fait l’apothéose de l’oiseau que Buffon vient de décrire.

« Le Rossignol n’a pas à se plaindre comme le Rouge-Gorge et le Bec-figues que la Poésie et l’Histoire aient été ingrates à ses mérites. On l’a chanté dans toutes les langues des pays qu’il habite. On a écrit sur lui cent traités spéciaux. Toutes les littératures du Midi, de l’Orient, de l’Occident et du Nord retentissent de ses apologies. Je ne sache pas de grand poëte, à commencer par Euripide et par Virgile chez les anciens, et à finir par Lamartine chez les modernes qui ne se soit cru obligé de