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César, on a remarqué, en plein midi, sur le forum, l’apparition de « l’oiseau de la nuit »[1]. Sous le consulat de L. Cassius et de C. Marius, un grand hibou, planant au-dessus du capitol, vint ajouter à l’épouvante générale. On a même prétendu que l’Incendiaria Avis de Pline[2] n’était autre chose que le hibou. Aldrovande, qui s’est donné la peine de recueillir les opinions sur cette matière, est d’un avis contraire. Parmi les aborigènes de l’Amérique, le grand hibou est l’objet d’un culte spécial ; leurs prêtres l’ont adopté comme le symbole de leur puissance et de leur dignité. « Les Creeks, dit Bartram, se distinguent par le respect dont ils entourent cet oiseau — le plus jeune des prêtres ou devins revêt une tunique blanche et fait porter devant lui un énorme hibou empaillé avec beaucoup d’art : il imite par son maintien la gravité et la taciturnité du hibou et traverse le village en chantant à demi-voix une douce psalmodie. »

Ces oiseaux se divisent en deux classes distinctes (lesquelles comprennent elles-mêmes plusieurs subdivisions) savoir, les Diurnes et les Nocturnes. Nous donnerons le pas à ces derniers.

Les rapaces nocturnes ne voient bien que pendant le crépuscule et au clair de la lune ; leurs yeux sont gros, leur tête fort grosse. Chez eux, le sens de l’ouïe est d’une finesse extrême. Leur nourriture consiste en rats, souris, oiseaux et insectes que le rapace nocturne saisit à l’improviste, favorisé par les ténèbres et par son vol merveilleusement silencieux. Il avale sa proie sans la plumer ou l’écorcher : plus tard la peau ou les os sont revomis en boulettes. Le jour, il dort dans son trou :

  1. And yesterday, the bird of night did sit
    Even at noon day, upon the market place
    Hooting and shrieking…

    (Mort de Jules César. — Acte I, Scène III).
    Virgile fait également prédire la mort de Didon par un hibou.
    « Solaque culminibus ferali carmine bube
    Sæpe queri, et lengas in fletum ducere voces. »
  2. Pline, livre X, c. 13.