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autre. Il les visite toutes, plonge sa petite langue dans leur calice, les flattant de ses ailes, sans jamais s’y fixer, mais aussi sans les quitter jamais ; il ne presse ses inconstances que pour mieux suivre ses amours et multiplier ses jouissances innocentes : car cet amant léger des fleurs vit à leurs dépens sans les flétrir ; il ne fait que pomper leur miel, et c’est à cet usage que sa langue paraît uniquement destinée. »

« Voilà une de ces pages brillantes, s’écrie Le Maout, qu’on ne saurait trop admirer, et qui ont placé Buffon parmi les premiers prosateurs de notre langue. Le plumage de l’Oiseau-Mouche n’a pas plus d’élégance, de richesse et de coloris que cette magnifique description ; mais il s’agit ici d’histoire naturelle et non pas d’allégories mythologiques : l’esprit le plus disposé aux illusions ne saurait voir dans l’Oiseau-Mouche un volage amant des fleurs, espèce de petit maître en miniature, paré de velours, d’or et de rubis, et distribuant ses faveurs à des êtres qui ne sont pas de son espèce. Si l’Oiseau-Mouche boit le nectar des fleurs, il y cherche, avant tout, une proie vivante : voilà les jouissances innocentes qu’il leur demande, et son inconstance en amour consiste à quitter une fleur où il vient de becqueter un insecte, pour se diriger vers une autre fleur, où il espère en becqueter un second. Comparons avec ces gracieuses fictions la biographie authentique du petit Rubis de la Caroline, contée sans exagération, mais non sans chaleur, par un homme qui dit ce qu’il a vu, et nous pourrons juger comparativement le poëte et l’historien.

« Quel est celui qui, voyant cette mignonne créature bourdonner dans le vague des airs, soutenue par ses ailes harmonieuses, voler de fleur en fleur avec des mouvements vifs et gracieux, et parcourir les vastes régions de l’Amérique, sur lesquelles on dirait qu’elle va semer des rubis et des émeraudes, quel est celui, dis-je, qui, voyant briller cette particule de l’arc-en-ciel, ne sentira pas son âme