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de la vaste forêt. Circé commence alors ses conjurations ; elle invoque dans un langage mystérieux, des divinités inconnues aux mortels ; elle prononce les paroles magiques qui obscurcissent le visage de la lune, et enveloppent de nuages le front de son père. Ses noirs enchantements troublent la sérénité du ciel, de sombres vapeurs s’exhalent de la terre ; les compagnons du prince s’égarent au milieu des ténèbres et cherchent en vain leur maître. La magicienne paraît en ce moment devant lui. “Sois, lui dit-elle, le gendre du soleil dont les regards embrassent l’univers, et ne dédaigne pas l’amour de Circé.” Le jeune homme repousse les prières de sa redoutable amante. “Qui que tu sois, lui dit-il, je ne puis être à toi, une autre me possède, je la chérirai jusqu’à la mort, et tant que les dieux me la conserveront, un amour adultère ne rompra pas les nœuds qui m’attachent à Canente.” La fille du soleil redouble ses ardentes supplications, Picus reste insensible : “Ton orgueil sera puni, s’écria-t-elle, tu ne reverras pas Canente, et tu vas savoir ce que peut une femme amoureuse et outragée, quand cette femme amoureuse et outragée s’appelle Circé.” Alors elle se tourna deux fois vers l’Orient, deux fois vers l’Occident, toucha trois fois de sa baguette le malheureux chasseur, et récita trois vers magiques. Picus prend la fuite, et s’étonne de courir avec une vitesse surnaturelle ; son corps se couvre de plumes, et il se voit avec indignation devenu un oiseau, nouvel hôte des forêts du Latium ; il frappe d’un bec irrité le dur tronc des chênes, et parcourt les longs rameaux en déchirant leur écorce ; son plumage a conservé la pourpre et l’or[1] de son manteau, et du beau Picus, il ne reste que le nom....

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« Le soleil était descendu aux rivages de l’Ibérie, et Canente attendait en vain son époux. Ses serviteurs et ses sujets se dispersent dans les bois, et le

  1. Ce Pauvre Picus paraît avoir été métamorphosé en Pivart (Pic doré). — (Note de l’auteur.)