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« Donc un matin le Pic devient sculpteur. Avec la précision sévère, le parfait arrondissement que donnerait le compas, il creuse une élégante voûte d’un beau demi-globe. Le tout reçoit le poli du marbre et de l’ivoire. Les précautions hygiéniques et stratégiques ne manquent pas. Une entrée sinueuse, étroite, dont la pente incline au-dehors pour que l’eau n’y pénètre pas, favorise la défense ; il suffit d’une tête et d’un bec courageux pour la fermer.

« Quel cœur résisterait à cela ? Qui n’accepterait cet artiste, ce pourvoyeur laborieux des besoins de la famille, ce défenseur intrépide ?

« Ce n’est pas la faute du Pic si la nature, à son génie, a refusé la muse mélodieuse. Du moins dans son âpre voix on ne méconnaîtra pas le véhément accent du cœur.

« Qu’ils soient heureux ! qu’une jeune et aimable génération éclose et croisse sous leurs yeux ! Les oiseaux de proie ne pourraient aisément pénétrer ici. Puisse seulement le serpent, l’affreux serpent noir, ne pas visiter ce nid ! Puisse la main de l’enfant n’en pas arracher cruellement la douce espérance ! Puisse surtout l’ornithologiste, l’ami des oiseaux, se tenir loin de ces lieux !

« Si le travail persévérant, l’ardent amour de la famille, l’héroïque défense de la liberté, pouvaient imposer le respect, arrêter les mains cruelles de l’homme, nul chasseur ne toucherait à ce digne oiseau. Un jeune naturaliste, qui en étouffa un pour l’empailler, m’a dit qu’il resta malade de cette lutte acharnée, et plein de remords ; il lui semblait qu’il eut fait un assassinat. »