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à deux, à la fin de mars, avant de quitter ses quartiers d’hiver.

C’est un animal omnivore : légumes, racines, pois, raisin sauvage, fruits, glands, faînes, miel sauvage, avoine verte, jeune maïs, larves d’insectes, frai de poisson, vers de terre, insectes recueillies sur l’onde des lacs, où il nage la bouche ouverte pour mieux les saisir : tels sont ses mets en été. Tout lui va : sa digestion est vraiment admirable.

Les dégâts que maître Martin, commet pendant la belle saison, dans les champs d’avoine : ce qu’il avale, ce qu’il piétine, lui attire la vindicte des cultivateurs. Pressé par la faim, il ne se fera aucun scrupule de happer, en passant à la brunante, un jeune cochon dans la basse cour, près de la forêt, ou un veau lâché dans les chaumes. La nuit venue, il explorera les avenues de la bergerie, y pénétrera par une trouée, qu’il pratiquera dans le fenil ou dans le toit, se gorgera de la chair des agneaux les plus tendres, massacrera sans pitié le reste du troupeau, sans oublier le bélier cornu ;[1] puis, il détalera, sans trompette : car, lui aussi, comme son petit collègue en rapine, le renard, est un rôdeur nocturne. Il n’est pas aussi astucieux, aussi fertile en ressources ; mais, il sait s’esquiver une fois traqué. On a vu un vieil ours poursuivi par des chasseurs pendant dix-huit jours et finalement capturé, dont les pattes lésées et ulcérées, par cette longue course, accusaient des efforts, une persévérance inouïe pour se soustraire au sort qui le menaçait.

L’ours, traqué par des chiens, court une petite distance ;

  1. J’ai souvent ouï-dire par nos paysans, que l’ours capture les moutons dans les prés au moyen du stratagème suivant : Martin se couche de son long, sur l’herbe ; les moutons d’abord effrayés de sa présence, se laissent aller à la curiosité ; ils s’approchent peu à peu de l’objet noir qui fait le mort et quand une brebis s’est approchée assez près, le mort ressuscite et l’empoigne.