Page:LeMoine - Chasse et pêche au Canada, 1887.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que nos chaussures et nos manteaux fumaient et se rôtissaient évidemment. Mais à un mètre de distance, l’eau-de-vie se congelait dans nos bouteilles. Nous étions pourtant très chaudement vêtus et entortillés dans des fourrures épaisses. Jamais, je l’avouerai humblement, jusqu’à cette nuit mémorable, je n’avais éprouvé un froid aussi terrible… »

M. Révoil, et son ami le Capitaine McLean, ayant réalisé ce que c’est qu’un froid de Janvier au Canada, après une marche longue et fatigante de dix-huit milles dans les bois, découvrirent enfin, guidés par leurs Indiens, les environs du ravage des élans que les chiens firent bientôt détaler, au sein des neiges. Soit par un hasard fortuit, soit par une tactique particulière, les trois élans prirent trois directions différentes, Mac-Lean se mit à la poursuite du premier ; moi, je suivis le second, et un des Indiens se précipita sur les pas du troisième. D’abord nous fûmes tous devancés par les quadrupèdes ; le mien, surtout, se maintint à une distance de six ou huit portées de fusil ; mais, peu à peu, ses bonds devinrent moins rapides, et de larges taches de sang me prouvèrent que la glace durcie, foulée par ses pieds sous la couche de neige fraichement tombée l’avait grièvement blessé.

Les taillis épais, dont les pentes abruptes de la colline étaient recouvertes, cachaient aux yeux de chaque chasseur l’animal de sa meute ; mais on entendait distinctement le bruit de son souffle, qui s’échappait à travers ses naseaux fumants, et le craquement des branches qu’il brisait dans sa course. La terre, profondément labourée en certains endroits, trahissait les chûtes de l’animal, dont le désespoir accru par l’instinct du danger et l’impossibilité de l’éviter, se manifestait au moyen de sauts sans pareils.

Plus nous avancions, plus le craquement des branches devenait terrible, plus le bruit de la respiration de l’ani-