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« Notre souper consista principalement en poisson : les truites étaient délicieuses… Nous voulions ensuite passer au rôti, ou plutôt à l’un des mets empruntés à la civilisation dont nous avions fait provision pour le voyage. »

« La meute de chiens amenée avec nous pour chasser l’élan le lendemain avait été reléguée par nos Indiens, hors de l’abri qui nous servait de gîte. Dans le but de les rendre plus hardis et acharnés à la chasse, on les avait privés de nourriture et on les empêchait même de s’approcher du foyer. Ces pauvres bêtes rôdaient autour de notre hutte de neige, et chacun à leur tour, on les voyait insinuer leur museau à l’orifice de notre demeure et jeter des regards de convoitise sur leurs maîtres chaudement installés devant un feu pétillant.

Au moment où les Indiens commencèrent leurs patenôtres, les limiers profitèrent de l’inattention générale pour se glisser, l’un après l’autre, autour du foyer. Par malheur, l’un de ces animaux vint à toucher le talon du plus dévot des Peaux-Rouges qui, fort irrité de cette interruption, se tourna vivement pour découvrir l’intrus qui le dérangeait ainsi. Sans quitter la pipe qu’il n’avait pas cessé de tenir entre ses dents, l’Indien se leva, et, prodiguant au quadrupède une bordée de jurements des plus expressifs, dans la langue française, il le chassa avec accompagnements de coups de pied et de coups de fouet. Puis, après avoir longuement expiré une bouffée de tabac, le drôle renouvela sa génuflexion et reprit tranquillement son oraison comme si rien ne se fut passé.

Vers minuit, je me réveillai en sursaut. Je rêvais qu’une main de fer m’étreignait aux épaules et, lorsque je compris la réalité de ma situation, je m’aperçus que la sensation que j’éprouvais provenait du froid qui m’avait saisi. Le feu était pourtant encore très-ardent, à tel point