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prêt à se mettre en route. Rien ne lui manquait, si ce n’est un peu d’argent, qu’il nous pria de lui donner afin de « tuer le diable, » disait-il, qui avait pris possession de son corps et le glaçait « … d’épouvante… » Puis, notre chasseur après avoir consacré quelques paragraphes à décrire la dégradation des Indiens, par l’ivrognerie, continue :

« Sur les deux côtés de la route que nous parcourions, les terrains que nous traversâmes étaient défrichés à une certaine distance ; mais, partout au delà, on n’apercevait que des steppes incultes et des bois, une solitude complète. Nous eûmes à franchir de nombreux ruisseaux à moitié gelés : les eaux bondissantes se frayaient un passage difficile au milieu des glaçons, dont les aspérités leur opposaient autant d’obstacles et par dessus lesquelles elles jaillissaient en cascades écumantes. Le linceul glacé, tout éclatant de blancheur, dessinait chaque ondulation du sol et faisait ressortir par un saisissant contraste les sombres contours et les ténébreuses profondeurs des bois de sapins et de cèdres qui bordaient la route.

La tempête n’avait cessé de faire rage et la neige tombait toujours à gros flacons, ensevelissant les communications sous une couche qui s’épaississait à vue d’œil. De temps à autre, nous rencontrions des traîneaux chargés de bois ou de sacs de grains ; mais comme le passage était étroit pour opérer un chassé-croisé d’une évolution facile, le conducteur rangeait ses chevaux sur l’extrême bord, laissant le traîneau s’enfoncer dans la neige et le maintenant dans une position horizontale en pesant dessus avec force. Alors notre cocher fouettait ses chevaux et nous passions, non sans beaucoup de difficulté. Dans une de ces rencontres, notre traîneau accrocha celui d’un agriculteur, et comme il était plus léger que celui de « l’habitant » il fut précipité, contenant et contenu, dans un fossé rempli de