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au camp. Je m’offris d’aller la quérir. Chemin faisant il me vint à l’idée de tâcher de le guérir de cette avidité qu’il montrait de tout tuer, même des bagatelles de gibiers comme des suisses, de petits écureuils au dos rayé.

Commençons de suite à l’éduquer, me suis-je dit !

Passant près d’une épinette touffue, je vis qu’il y avait à sa racine un petit tas de neige non fondue et pelottante. J’en pris suffisamment pour en confectionner un objet ressemblant à un lièvre assis sur ses hanches ; je lui fis une tête ; je cassai deux branches que je garnis de neige, et que j’ajustai, en forme d’oreilles ; de deux charbons pris au feu du camp, je lui façonnai deux beaux yeux noirs ; je déposai mon lièvre au pied d’un sapin avoisinant le sentier où le baron aurait à passer pour revenir au camp ; Impatient de voir que je retardais à le joindre, il avait en effet rebroussé chemin. Bientôt, j’entendis une détonation. Je mis le nez hors du camp ; je vis le fier baron qui se baissait pour ramasser sa pièce ; puis, je vis qu’il lui donna un coup de pied ; j’accourus à temps pour voir le lièvre en fragments. J’exprimai mon regret de sa méprise, ajoutant que ce lièvre avait sans doute été déposé là par des trappeurs de Deschambault, pour leurrer les lièvres des bois et les faire tomber dans leur collets ; puis, ayant retrouvé la carnassière, nous nous mîmes de nouveau en marche. Le baron me sembla qu’à demi satisfait de mon explication.

Bientôt, en traversant une clairière, b-r-r-r-r-r et un beau perdreau mâle passa comme un trait au-dessus de nos têtes.

— Un faisan ! un faisan royal ! s’écria le baron. Il faut le tirer.

— Soyez tranquille, lui dis-je, mon chien, Caffé, va le faire brancher ! Un quart d’heure plus tard, le susdit faisan, qui