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peau aux hanches, les trous de cinq autres balles. Il a dû servir de point de mire à plus d’un chasseur avant moi. »

— Jamais, s’écria Gabriel, je ne pourrais croire cela, si c’était un autre que M. Panet qui me l’eut dit : un ours nager une lieue, avec cinq balles dans ses fonds !

— Gabriel, répliquai-je, voilà une bonne histoire de chasse ; mais, il nous reste encore près d’une lieue à faire, avant de goûter aux omelettes succulentes de madame Verret ; racontez nous donc pour nous amuser, votre fameuse chasse avec le baron de Grand-Bois, à Deschambault, dont mention fut faite dans les journaux de l’époque.

— Pour vous obéir, messieurs, je vais vous dire les curieuses aventures de ce gros monsieur, qui venait des vieux pays. C’était un gascon, je pense ; il racontait comme vraies bien des choses merveilleuses et incroyables. Il en savait plus long que personne, même sur la chasse ; et bien qu’il fit semblant de mépriser le pauvre monde de notre pays, je vous assure que ce n’était qu’un triste hère dans le bois, — auquel la moindre jeunesse aurait pu en remontrer au chapitre du gibier. Au lieu de nous parler poliment comme à des chrétiens, il était grossier, mal élevé, vantard, ignorant.

Croiriez-vous qu’il était mal élevé au point que quand il buvait un coup de sa vieille liqueur, qu’il nommait cognac, de remettre le bouchon au flacon, sans nous offrir même une petite larme ?… Entre gentilshommes, ça s’est jamais vu ; vous savez. Ses gasconnades m’ahurissaient : « Je vais te donner une petite leçon, mon gros garçon, » me dis-je à moi-même, « tu en profiteras ! »

— Gabriel, vieil animal, me dit-il un jour d’un ton bourru, porte ma malle, et aie bien soin de ce gilet de peau de gazelle ; c’est un présent que m’a fait le plus grand chasseur du monde — Jules Gérard. Jules et moi, nous avions