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peurs du matin ; un vaste bol de lait fumant nous attend sur le buffet : nous y ajouterons deux œuf frais, pondus la veille par des Dorkings et des Black spanish, du sucre ad libitum et move majorum, quelques cuillerées d’une eau-de-vie pâle et vieille, tout comme si M. l’abbé Chiniquy n’eut jamais, en 1840, entrepris une croisade contre les spiritueux. Cette prescription religieusement remplie, en avant, mes braves !

— « Ah !  ! Mossieur, s’écrie le garçon de ferme, un jouvenceau portant un chapeau de paille, de dimensions phénoménales, vous alliez oublier que c’est aujourd’hui la grand’mer des alouettes : emportez-donc en sus avec vous, des paniers ! »

C’est qu’en effet, le mois d’août est, par excellence, le mois des alouettes, le premier gibier de grève de la saison de chasse. Vers le vingt de ce mois, les bandes commencent à arriver des pays du nord. Leurs volées sont peu nombreuses d’abord ; puis, elles deviennent plus considérables ; puis, on les compte par myriades. Vous entendez leur voix dans les airs, qui, cependant à peine arrive jusqu’à vous, tant leur vol est élevé ; elles tournent, tournent à cette hauteur, pour explorer leur cher pays de passage et, dans leurs gyrations, elles se rapprochent de plus en plus de la terre ; enfin leurs joyeux cris sont distincts et vous voyez leurs escadrons allés décrire mille et mille évolutions dans l’élément diaphane, au sein duquel ils flottent avec tant de légèreté et de grâce.

Le moment de prendre terre arrivé, les alouettes longent les arbres de la forêt, les falaises de la côte, descendent comme des tourbillons vers les plages et les eaux du fleuve qu’elles rasent à les toucher, s’élèvent de nouveau, redescendent encore et finissent par s’abattre sur les bancs de sable qu’elles couvrent de leurs flocons mouvants. Il faut