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comment on procède, en Russie ; as-tu jamais entendu parler de la chasse aux outardes, avec des tranches de navets ?

— Jamais, lui dis-je, en ouvrant de grands yeux, avec ébahissement.

— Eh bien, le mode russe, le voici :

Les outardes, par volées sans nombre, font ordinairement l’automne et le printemps, leur apparition dans ces parages à la grande satisfaction des nemrods qui s’en donnent à cœur joie. Une autre classe de chasseurs font compétition aux amateurs de fusils. Ils ont adopté le système de la ligne et de l’hameçon, tout comme pour le poisson. Ils attachent de distance en distance, à une ligne pour la morue, des douzaines de petites lignes gréés d’hameçons recouverts de tranches de navet.

On ajoute plusieurs longueurs agencées de cette manière ; quelquefois les lignes ont plus d’un demi mille. Ainsi préparées, elles sont placées dans l’eau aux endroits les plus fréquentés des outardes, qui a la marée basse, reviennent au pâturage et s’empressent de faire honneur au navet. Il n’est pas rare de voir prendre d’un seul coup, une vingtaine d’oiseaux.

Or, un bon jour un chasseur très-intelligent, du nom de Polomitz, se rend à l’endroit où il avait tendu ses lignes, pour voir le résultat de son travail. Accompagné d’une jeune fille, il dirige son canot d’écorce à l’ancrage de la ligne dont il lie l’extrémité à l’avant de l’embarcation ; puis, il débarque sur un banc de sable que la marée avait laissé à sec, disant à son enfant de se bien tenir. Effrayées de l’apparition de l’homme des bois, les outardes se levèrent en masse en prenant leur volée vers l’embouchure du havre, traînant le canot et son contenu avec une rapidité étonnante. Les sentiments de Polomitz, à ce moment, sont