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dans un ample et antique tabatière en argent, — un présent me dit-il, fait à son père, le Dr Oliva, par le Roi de la Prusse, pour lui avoir sauvé la vie, en lui opérant à temps une saignée. Puis, il me fit asseoir en une bergère, appuyée à une croisée dans son sanctum, petite pièce, ornée de pistolets d’arçon, de fusils à percussion, (les Lefaucheux n’étaient pas encore inventés) de ramures de chevreuils et de caribous, de carnassières, de poirs, de gibernes et autres attirails de chasse. Une queue de renard touffue, trophée prisé de sa jeunesse, garnissait l’âtre de la cheminée, ou pendaient en sautoir, deux solides Meerchaum allemands et une blague en peau de veau-marin, artistement, brodée en poil de porc-épic.

Jeune, impressionnable, avide de récits de chasse, j’étais toute attention à ce que me racontait le digne seigneur.

« Nous dérapâmes, du bassin de St-Thomas, me dit-il, mon canotier et moi, à huit heures précises du matin, dans ma pirogue, que j’avais nommée la Blanche Diane[1] la patronne des chasseurs, comme on a dû te le dire, au collège.

La marée étant presque haute ; mais comme le courant monte au large, une heure de plus que près de terre, nous avions assez de marée montante, pour prendre avec la jolie brise de vent d’ouest qu’il faisait, la Pointe-aux-Pins, à l’Ile-aux-Grues.

Puis, nous tirâmes une bordée entre cette isle et l’isle Ronde et nous vînmes nous embusquer vis-à-vis de la dune, à terre. La marée serait basse à trois heures de l’après-midi : nous nous creusâmes une cache et nous devions attendre cachés, le passage de la vaste bande d’outardes, mêlées d’oies sauvages qui voyage chaque jour des battures plates à St-Joachim, et fait étape à la dune ;

  1. La Blanche Diane avait ses hauts peints en blanc, couleur moins voyante, pour ne pas alarmer le gibier.