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dant la couche de neige qui s’amoncèle le long, jusqu’au toit. L’animal dans sa course insensée avait évidemment passé outre, plutôt que de dévier quelques mètres pour contourner l’obstacle. Ma cuisinière, antique saxonne, très versée dans les dictons populaires des anglais, applique aux lièvres le proverbe « Mad a March Hare. Fou comme un lièvre en mars, » et son explication fait arrêt.

Blaze dans son charmant volume peint au noir les lièvres du Vieux Monde, à la période des accouplements Si les nôtres ont encore l’habitude de « songer en leur gîte » comme au temps du bon Lafontaine, ils ne ragent pas et sont bien moins sanguinaires ; au mois de mars, dit-il, lorsque le printemps fait sentir sa douce influence, les bouquins ou mâles poursuivent les hases avec un acharnement incroyable ; leur amour ressemble à de la rage.[1] Ils se livrent entre eux, des combats sanglants, qui souvent finissent par la mort. Un jour je passai sur le champ de bataille de ces messieurs ; je vis, en frémissant, le poil de lièvre répandu sur le sol, en quantité suffisante pour faire un manchon ; par ci, par là, des traces de sang ; un bout d’oreille déchirée par des dents qui jamais n’auraient dû couper que de l’herbe… Plus loin, un cadavre palpitant encore. « Voyez les dangereux effets de l’amour, dis-je à ma cuisinière ; et faites nous un bon civet. »




  1. C’est par cette raison, ajoute Blaze, sans doute, que Venus est appelée par quelques auteurs latins, la mère des lièvres : Alma leporum mater.