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« Avril ! avril ! ton souffle est plein de volupté !
« Tes matins et tes soirs, ô beau mois enchanté,
« Naissent dans l’harmonie et les flots de lumière !
« Avril, c’est toi qui viens égayer la chaumière
« Dont la bise d’hiver attristait le foyer !
« C’est toi qui fais encor, sous ton souffle, ondoyer,
« Quand tes feux ont fondu leurs cristaux immobiles,
« Les flots du Saint-Laurent redevenus dociles.
« Hâte-toi, mois d’amour, que je cueille une fleur,
« La première des bois, la plus fraîche en couleur,
« Pour orner les cheveux de ma jeune Henriette !
« Hâte-toi, que je berce en ma barque coquette,
« Sur les vagues d’azur du fleuve paresseux,
« Celle qu’ont fait rougir mes pudiques aveux ! »

Ainsi chantait, un jour, d’une voix douce et fière,
Sous les bois sans ombrage, au bord du lac Saint-Pierre,
Un fils du Saint-Laurent, un barde jeune et bon
Doué du plus fatal mais du plus noble don.
Et, pendant qu’il chantait, son œil mélancolique
Suivait, dans le lointain, une scène magique :
C’était le fleuve aimé qui, las d’être captif,
S’agitait dans son lit comme un coursier rétif,
Secouait le fardeau de ses glaces massives,
En éclats scintillants les poussait vers ses rives,
Et les broyait ensemble avec autant de bruit
Qu’en fait, à son réveil, un volcan dans la nuit.