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LE DÉBACLE 13

Qui circulent partout, venant tout ranimer,
Redoublent, dans leur cœur, la puissance d’aimer.
Et la terre à leurs yeux paraît bien rétrécie !
Ils n’auront pas assez, pour s’aimer, de la vie !
Ils sentent quelque chose au fond de tant d’amour
Que ne peut leur donner le terrestre séjour !
Leurs regards confondus se remplissent de larmes;
Ils se trouvent heureux et des mots pleins de charmes
S’échappent de leur bouche avec de longs soupirs.
Hélas ! pourquoi faut-il qu’au milieu des plaisirs
Il se glisse souvent une pensée amère ?
Est-ce pour avertir que tout est éphémère ?
Que rien ne doit durer dans ces mondes flottants ?
Que tout passe bien vite et nous en même temps ?

—Henriette, disait le sensible poète,
Ton amour est ma vie, et pourtant je regrette
De t’avoir inspiré de si suaves feux ;
Je regrette le jour où mes chastes aveux
Ont fait naître soudain des roses sur ta joue.
Je t’aime comme alors, et plus, je te l’avoue ;
Mais que sert de s’aimer si l’on ne peut s’unir,
Si le Prêtre de Dieu ne doit pas nous bénir ?
Je suis bien pauvre, hélas ! et mon cœur désespère
De te voir volontiers partager ma misère.
Mon luth, ô mon amie, est mon unique bien ;