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Baise mon pâle front, et me dit à l’oreille :
«Naïa, sauve-toi, va ! sur tes jours je veille. »
Et je ne sais comment, malgré les javelots,
Je franchis le village et courus près des flots.
Mais j’éprouvais alors une étonnante force ;
Avec une pagaie et mon canot d’écorce,
Je bravai hardiment un destin hasardeux.
J’allais à ta rencontre... Et nous voici tous deux. »

Ainsi longtemps parla la jeune fugitive.
Prêtant à son récit une oreille attentive,
Domagaya, muet, la regardait toujours.

« Ô Naïa ! dit-il, Naïa, mes amours,
Retournons maintenant au pays de nos pères.
Je les écraserai ces langues de vipères
Qui sur toi n’ont pas craint d’appeler tant de maux !
Le jongleur maudira ses desseins infernaux.
Comme l’iniquité la justice a son heure.
Mon père, en revoyant les deux enfants qu’il pleure,
Saura qu’à des méchants il a donné sa foi.
Il se repentira d’avoir douté de toi,
Voguons dans ton canot. Voguons, ô mon amie !
Mon frère nous suivra sur la mer endormie. »