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Au démon de la mer, alors victorieux,
A-t-il abandonné ce butin précieux ?

Et souvent maintenant, au pied du mât de hune,
Cartier pleure en secret sur l’amère infortune
De bien des compagnons de ses nobles travaux.
Ils devaient avec lui fouler ces bords nouveaux
Que le ciel étonné promit à son audace.
Vainement de la mer parcourant la surface,
Son humide regard cherche quelque point noir
Qui pourrait un instant tromper son désespoir ;
La mer de toute part est limpide et déserte.
Au-dessus de ses flots nulle aile n’est ouverte.
Les matelots aussi, devant ce grand malheur,
Se sentent tour à tour vaincus par la douleur.
Leurs propos sont émus et leurs chansons dolentes,
Dans l’air calme du soir ouvrent des ailes lentes.

Comme un front de vieillard sous le poids lourd des ans,
Le flot se ride et tremble à l’haleine des vents,
Le soleil est entré dans sa couche pudique.
De nouveau, sur la mer, la nuit mélancolique
Avec son noir manteau se promène sans bruit,
Et sur son front d’ébène une étoile d’or luit.