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La brise cependant ne ride plus les mers ;
La flottille s’arrête au sein des flots amers.
Comme un feuillage lourd sur un tronc qui se penche,
Le long de chaque mât tombe la voile blanche.
Et ce calme imprévu, des matelots surpris,
Agite tout à coup les tranquilles esprits.

Un silence effrayant règne dans l’atmosphère.
Une flamme subtile, ondoyante, légère,
Court le long du cordage, et, dans son vif essor,
Le couvre tout entier de ses aigrettes d’or.
Sur le flanc du vaisseau reste un sillon d’écume.
On voit à l’horizon un long rideau de brume
Où, cachant à demi son orbe étincelant,
Le soleil radieux luit comme un oeil sanglant.

Mais au couchant bientôt un nuage se forme.
Il paraît s’avancer comme un géant énorme,
Dont les larges talons glissent sur le flot clair,
Et le front arrogant va se perdre dans l’air.
À l’aspect imprévu du sinistre présage,
Les prudents matelots vont, d’un calme visage,
Aux vergues attacher les voiles avec soin.
Un bruit lugubre et sourd se fait entendre au loin.