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REFLETS D’ANTAN

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Brille un flocon d’écume. Attentifs et muets,
Le cœur livré peut-être à de tardifs regrets,
Les matelots, debout, sont tournés vers la grève
Qui s’efface, là-bas, comme s’efface un rêve.
Les coteaux à leurs yeux abaissent leurs sommets,
Les élégants clochers éteignent leurs reflets,
Et les prés verdissants, leur charmante nuance.
Déjà, dans le lointain sombre toute la France.
Elle n’est plus hélas ! qu’un flexible cordon,
Qui ceinture des flots perdus à l’horizon.

Ainsi nous voyons fuir, avec trop de vitesse,
Les rivages en fleurs de l’heureuse jeunesse.
Nous voguons, nous aussi, vers des bords inconnus.
Heureux ceux que l’espoir a toujours soutenus !
Nos regards sont tournés vers cet âge tranquille,
Où nos légères nefs trouvaient un sûr asile
Contre le souffle amer d’un monde mensonger.
Mais un voile de brume, un nuage léger,
Enveloppent déjà, de leurs replis de soie,
Cet âge d’innocence et d’amour et de joie.
Il disparaît bien vite. Et nos regards en pleurs
S’épuisent à chercher ses suaves couleurs.
Lui-même aussi n’est plus qu’une ligne étrécie
Qui brille à l’horizon de notre pauvre vie !