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Les feuilles jauniront et tomberont des branches,
La neige, bien des fois, tendra ses nattes blanches,
Et les petits oiseaux tisseront bien des nids,
Avant que tes enfants soient ici réunis.

« Te le dirai je, ô Chef, oui, j’ai vu dans mes rêves,
Cette fatale croix s’étendre de nos grèves
Jusqu’au fond des forêts, jusqu’au milieu des eaux.
Sur ses bras menaçants se perchaient les oiseaux,
Et nos traits aiguisés ne pouvaient les atteindre.
Et nos fiers ennemis semblaient ne plus nous craindre !

« Puis, j’ai vu sur nos bords venir les guerriers blancs...
Nous étions devant eux stupéfaits et tremblants.
Je t’ai vu, vaillant Chef, ― qu’au moins nul ne le sache, ―
Fumer le calumet, puis enterrer la hache.
Pour détourner les maux qui vont tomber sur nous,
Hier, j’ai consulté les puissants Manitous.
Il faut bannir la croix de nos forêts antiques,
La croix où sont gravés des mots cabalistiques ;
C’est alors seulement que, sous nos bois épais,
Sans craindre d’ennemis nous chasserons en paix. »

Ainsi parle au vieux chef le malfaisant génie.
Sa voix a du désert la poignante harmonie,