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Nous aurions hors des bois rejeter l’étranger,
Comme le vent balaie un feuillage léger.
À ces rochers déserts pendant combien de lunes
Raconterai-je encore mes tristes infortunes ?
Quand viendrez-vous reprendre, ô fils que j’ai perdus !
Vos carquois pleins de traits et vos arcs détendus ? »

Pendant que sur ces bords, où fleurit le dictame,
Le vieux chef indien épanche de son âme
Une haine inutile et des regrets amers,
Un esprit malfaisant, envoyé des enfers,
A pris d’un vieux jongleur la hideuse figure,
Et la démarche lente et la haute stature.
Il s’approche aussitôt du chef de la tribu.
Ils sont amis d’enfance ; ils ont ensemble bu,
Au milieu des forêts, à la même fontaine ;
Ensemble ils ont fait plus d’une chasse lointaine :

« Pourquoi te consumer, dit-il, en vains regrets,
Toi, le premier guerrier de nos sombres forêts ?
Ton corps est décharné comme un arbre qui sèche.
Le chevreuil ne craint plus la pointe de ta flèche...
Attends-tu que les Blancs te ramènent tes fils ?
Ou bien regrettes-tu d’avoir craint leurs défis ?