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Sur les bords inconnus où le vaillant Cartier,
À Dieu comme à son roi se vouant tout entier,
Était venu naguère élever la croix sainte,
Un étrange vieillard jetait au vent sa plainte.

La tristesse ridait son visage cuivré ;
Comme un arbre fleuri, comme un tapis ouvré,
Son corps fauve était peint de figures bizarres ;
Et, nouant ses cheveux, les plumes les plus rares
S’élevaient sur sa tête en panache éclatant.
Sur les vagues d’azur son œil allait flottant
Comme le frêle jonc, comme l’algue légère,
Et paraissait chercher une rive étrangère.

Et quand il était las de regarder les flots,
Las aussi d’exhaler ses lugubres sanglots,
D’une tremblante main bandant son arc de frêne,
Vers une croix debout dans cette immense arène,
Il lançait, furieux, un trait empoisonné.
De son audace alors il semblait étonné.
Il voyait aussitôt les nids joyeux se taire,
Et reprenait, pensif, sa marche solitaire.

Et c’était, ce vieillard, le guerrier dont la voix,
Pour repousser Cartier et renverser la croix,