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Je suis entre vos mains ; je suis votre victime,
Faites-moi donc périr si j’ai commis un crime.
Mais si devant vous tous je parais innocent,
Vengez-moi, car contre eux, moi, je suis impuissant.
Demain, pour s’échapper, ils déploieront les voiles.
Ô guerriers, suivez-moi ! La nuit n’a pas d’étoiles,
Prenez vos tomahawks, prenez vos javelots ;
Frappez-les sans merci, ces cruels matelots !
Qu’ils meurent avec moi sur cette même rive,
Puisqu’ils ne veulent pas qu’avec eux moi je vive ! »

Le fugitif, alors, reste silencieux.
Tous les guerriers sur lui veulent fixer leurs yeux :
Ils ont peur, semble-t-il, de se laisser surprendre,
Mais lui, ferme et serein, feint de ne pas comprendre
Ce noir pressentiment qui trouble leurs esprits.
Quelques-uns toutefois font entendre des cris :
Ils veulent qu’aussitôt on descende au rivage ;
D’autres ne veulent pas que la lutte s’engage
Avant que du matin s’élèvent les brouillards.
Ils craignent quelque piège. Enfin, plusieurs vieillards
Demandent que d’abord le premier coup de hache
Soit pour ce guerrier blanc qui peut-être leur cache
Qu’il est venu tromper les naïfs Indiens,
Pour les enchaîner mieux de ses traîtres liens.