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PICOUNOC LE MAUDIT.

Le prisonnier ne put s’empêcher de regarder avec envie le frugal repas ; et, la senteur de la truite dorée à la braise flattait bien agréablement son odorat, mais agaçait fort son estomac depuis longtemps vide. Le chef s’en aperçut, prit un poisson brûlant et s’approcha de lui :

— Mange, mon cher ami, mange vite et beaucoup, dit-il ; car c’est ton dernier repas.

Le prisonnier, essayant d’éviter les brûlants attouchements de la truite, se tournait la tête en tous sens, mais c’était inutile ; on ne le laissa en paix que lorsqu’il eut la bouche toute enflammée. Les sauvages riaient et battaient des mains. Le grand-trappeur voyait tout, et la colère s’allumait dans son âme. Un instant il prit sa carabine pour viser le renégat, mais un bruit de pas se fit entendre auprès de lui. Alors déposant son arme, il se blottit le long du rocher. C’étaient deux sauvages qui venaient regarder ce qui se passait en bas.

— Si l’on voit bien tu me le diras, Nid d’écureuil, et j’irai à mon tour, fit l’un des indiens.

— Oui, Vent qui souffle, je te le dirai.

Et Nid d’écureuil se glissa le long de la roche moussue et couverte de sapins.