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PICOUNOC LE MAUDIT.

réclame, aux églises ou aux communautés, une partie des deniers qu’ils ont extorqués aux malheureux ! Bref, le bossu était riche, et avait ouvert un magasin à Leclerville, près du pont. Picounoc avait vieilli de vingt ans comme les autres ; mais le gaillard portait bien son âge.

On le disait l’habitant le plus à l’aise de la paroisse. Il possédait deux belles terres en culture et une terre à bois, bonne maison, grange vaste, chevaux fringants, bêtes à cornes, moutons, porcs et volailles. On le jalousait. L’un disait : Rien d’étonnant qu’il ait amassé, il n’est pas, comme moi, accablé par la famille. L’autre : il est si ménager ! il tondrait sur un œuf. Celui-ci : il a eu toutes les chances ; jamais de pertes, jamais d’accidents, et celui-là : s’il avait une femme gaspilleuse comme la mienne, il ne serait peut-être pas mieux que moi…

Picounoc ne s’était point remarié. Plusieurs crurent que c’était de regret. En effet, il doit être difficile d’oublier une première femme, bien que nombre de veufs s’efforcent de prouver le contraire. Quoiqu’il en soit, Picounoc était resté sage aux yeux de bien