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PICOUNOC LE MAUDIT.

où la vertu s’épanouit comme les fleurs, des hommes civilisés et chrétiens poursuivent avec non moins de malice et d’acharnement, mais avec plus d’hypocrisie, la plus douce des victimes. Et cela depuis vingt ans ; car vingt ans se sont écoulés depuis le tragique événement qui rendit Picounoc veuf et Noémie inconsolable. Picounoc et le bossu s’étaient liés d’amitié. Les mêmes penchants les portaient l’un vers l’autre, et leurs intelligences perverses n’avaient pas été longues à se deviner. Le colporteur avait passé bien des fois, depuis vingt ans, avec sa cassette sur le dos, et il avait semé partout sa marchandise choisie, récoltant, en retour, les gros sous qui s’étaient changés en dollars. Et puis, il avait prêté à courte échéance et à gros intérêts, sur billets ou obligations par devant notaire, les précieux dollars ; comme prêtent encore, de nos jours, certains usuriers sans cœur — bourreaux d’un nouveau genre, qui jettent sur le pavé, dans le déshonneur ou le désespoir, les pauvres qui tombent dans leurs serres ; qui croient se racheter aux yeux de la société ou de Dieu, en offrant de temps à autres, avec ostentation, et grand fracas de