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à-coup un passé si calme et si heureux d’abord, si amer, hélas ! ensuite.

Victor, après quelques moments, déposa un baiser sur le front de son père et s’éloigna, promettant de rentrer bientôt. Il trouva l’ex-élève assis pensif sur la clôture du chemin, à un arpent de la maison. Il lui proposa une promenade, et tous deux marchèrent en causant du grand événement qui venait de se produire.

— Je suis bien heureux, disait le jeune avocat, je suis bien heureux d’avoir retrouvé mon père ; mais un bonheur s’achète souvent au prix d’un autre bonheur, et je sens que je ne serai pas épargné… Pauvre Marguerite ! soupirait-il de temps en temps, pauvre Marguerite ! où s’en vont nos doux projets ? où s’en vont nos délicieuses espérances ?…

Marguerite ne connaissait pas encore toute l’étendue du malheur qui la menaçait, et elle se plaisait à croire que le coup inattendu qui frappait son père ne l’atteindrait point elle-même. Elle ne savait point, innocente créature, fruit succulent et beau, sorti par hasard d’un rameau encore vert, elle ne savait point