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un visage de feu ou de sang, et que ses yeux, sans éclat, étaient noirs comme les orbites d’un crâne de mort. Rendu près de moi, il ne me vit pas, et se mit à creuser dans la neige pour se faire un abri. Mais il n’eut pas la force de creuser assez. Il avait faim et dévorait les bouts des petites branches de sapin. Il poussa un cri, et moi, qui de si loin avais entendu le craquement de ses raquettes, j’entendis à peine sa voix. Il voulut armer sa carabine pour se suicider, et ses doigts crispés se gelèrent sur la gâchette. Son haleine rapide faisait bruire l’air en s’échappant de ses lèvres. Il était là debout, immobile au milieu des neiges comme un tronc moussu, et semblait un arbre étrange ou une pierre grossièrement sculptée par une main sauvage. Les aurores boréales dansaient toujours au dessus de sa tête, et des serpents de feu, se glissant sur la neige, semblaient accourir de l’horizon jusqu’à ses pieds. Des hurlements firent retentir la solitude et une troupe de loups apparut au loin. Il eut un tressaillement rapide et nerveux, et il voulut de nouveau armer sa carabine pour défendre, contre la voracité des bêtes, son corps glacé qui s’en allait mourant. Les loups arrivèrent… Il poussa une