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cette infortunée Geneviève. Au reste il s’agit, dans cette vision, d’un personnage que tu as bien connu, du Hibou-blanc… Et d’abord, je te dirai que le vieux renégat, chassé de la tribu des Couteaux-jaunes, abandonné de tous, honni et méprisé, partit seul à travers le désert glacé, et se dirigea vers le lac du grand Ours. Or Marguerite, qui ne connaît pas cet homme, nous le peignit, à son réveil avec une fidélité surprenante, et cela suffit pour nous faire ajouter à son rêve la foi que l’on ne donne d’ordinaire qu’aux récits véridiques.

— J’étais loin vers le nord, dit-elle, et sur ma tête l’Ourse glacée tournait dans la voûte céleste comme sur un pivot. Mes yeux étaient éblouis par le spectacle qui se déroulait autour de moi ; je me croyais dans un monde féerique. Des aigrettes innombrables s’allumaient dans le ciel où elles jouaient, comme les feux Saint-Elme le long des mâts et des vergues ; des banderoles de pourpre flottaient au zénith ; des rideaux sanglants s’ouvraient et se fermaient sur l’horizon, pour laisser paraître et cacher tour à tour les molles clartés de l’aurore, les feux ardents du soleil et de fantastiques figures de flamme. Des cou-