Page:LeMay - Picounoc le maudit, Tome II, 1878.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un peu je le rencontrai ; il me dit qu’il se mariait et qu’il n’aimait pas sa fiancée, mais qu’il se laissait faire parce qu’elle possédait une belle propriété. Je le blâmai. Il répliqua : Tiens ! je n’ai pas de secret pour toi ! j’ai aimé, j’aime et j’aimerai toujours. Celle que j’aime, tu la connais, c’est Noémie. Elle est la femme d’un autre. Eh bien ! puisque de ce côté le bonheur m’est ravi, je n’estime plus les femmes que d’après leur dot, et je voudrais devenir veuf tous les ans pour me remarier toujours avec des filles avantageuses.

— Si tu parlais sérieusement, que je lui répliquai, j’irais de ce pas avertir ta fiancée : Je suis sérieux, qu’il me répond, je suis un maudit et le fils d’un maudit, donc il faut que je fasse mon œuvre.

Ces premières paroles du témoin à décharge bouleversèrent profondément la salle toute entière, et les idées les plus opposées jaillirent tout à coup de partout : Quel est le monstre ? quel est le martyre ? est-ce l’accusé ? est-ce l’accusateur ? se demandait-on avec effroi. Et l’on cherchait à deviner, sur les traits impassibles de Letellier et sur la figure hypocrite de Picounoc, le secret de ce mystère.