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— Non, mère, mais c’est un chasseur comme lui et son ami intime. Nous verrons Paul dans quelques jours ; il est à Deschambault.

— Venez-donc vous asseoir, dit Noémie au grand-trappeur. Et elle lui présenta une chaise. Le grand-trappeur avait envie de se faire connaître de suite, tant le faisait souffrir ce silence qu’il gardait depuis plus de vingt ans ; mais la pensée d’être arrêté, si l’on venait à apprendre son retour dans le village, et la peur de causer à sa femme une surprise trop grande, le retinrent. Il s’assit après avoir déposé sa carabine dans un coin, et, silencieux, se prit à regarder, avec amour et curiosité, chaque objet, dans le vaste appartement. Tout avait pris un air d’antiquité ; les années avaient voilé d’une teinte pâle et presque de deuil les images et le crucifix pendus au mur ; les vitres paraissaient moins brillantes que jadis ; c’étaient sans doute les barreaux noirs des fenêtres qui les assombrissaient ; les meubles disloqués semblaient se cacher dans les coins ; le banc des seaux n’avait plus de peinture, et la tasse à boire, pendue au clou, était encore — sauf le fond — la tasse d’il y a vingt ans.

Le déjeuner fut servi. Le chasseur man-