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temps est si souvent tardif et long, qu’il est sage de gagner du temps, dès avant l’hiver, en préparant les sillons. Son humeur se ressentait de son trouble intérieur, et ses chevaux subissaient les caprices de son humeur, il les ahurissait de ses cris, les brûlait de son fouet, et quand la charrue se heurtait à une roche il poussait des jurons formidables. À la maison, il ne se montrait guère plus honnête, et Marguerite souffrait en silence.

Un soir, le bossu arriva à la porte. Picounoc venait de dételer et se mettait à la table. Marguerite versait le thé, cette boisson favorite du Canadien. Le marchand fut accueilli avec empressement d’une part, et, de l’autre, avec une froideur significative. Inutile d’ajouter que l’empressement ne venait pas de Marguerite. Quand la jeune fille eut servi la table, son père la pria de le laisser quelques instants seul avec le visiteur. Elle se rendit à la laiterie, sous prétexte d’écrémer le lait et de brasser une façon de beurre ; mais elle était trop préoccupée pour se livrer au travail, et elle donna libre cours à sa douleur.

— Eh bien ! commença le bossu, ça arrive…