Page:LeMay - Picounoc le maudit, Tome II, 1878.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tor éprouvait parfois de profonds découragements, et se sentait écrasé sous l’implacable fatalité. Il se débattait contre la force passive de la résistance, la plus redoutable des forces. L’ex-élève lui dit bien que Picounoc, quelque temps avant son mariage, avait déclaré qu’il épousait sa femme sans l’aimer, et qu’il se sentait entraîné vers Noémie. Ce fait, joint à quelques autres, pouvait faire une preuve de circonstance, assez faible il est vrai, mais suffisante pour éveiller le doute dans l’esprit d’un juré, et c’est déjà une bonne chance avec le système d’unanimité qui prévaut ici. Souvent Victor visitait son père toujours sous les verrous, pour lui faire part du fruit de ses recherches et le consoler ; mais le prisonnier ne faiblissait point ; seulement quand le spectre de l’échafaud passait devant ses yeux avec sa honte éternelle, il frémissait et sentait son front devenir humide : c’est que l’ignominie ne serait pas pour lui seul, mais retomberait sur sa femme et sur son enfant. Ah ! l’on peut bien être fort contre le malheur qui nous broie d’un pied impitoyable, mais jamais contre le malheur qui frappe ceux que l’on aime !