Page:LeMay - Les gouttelettes, sonnets, 1904.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
PAYSAGES



LA CHUTE MONTMORENCY


Du haut de la falaise, alerte, elle bondit
Et jette son écume aux vagues du grand fleuve.
Que le ciel soit d’azur, que le nuage pleuve,
Elle est une avalanche où le ciel resplendit.

Sa menace épouvante et son râle étourdit.
Que de siècles ont vu sa beauté toujours neuve !
C’est l’urne qu’un Titan, — pour que nul ne s’abreuve, —
Dans une heure de rage, autrefois répandit.

Et les eaux que les bois ombrageaient de leurs palmes,
Ou qu’azurait le ciel, murmurantes ou calmes,
Sans jamais s’arrêter vont au gouffre béant.

Elles tombent jetant des clameurs de colère.
Nos voluptés d’Eden, nos tourments de galère
Ainsi tombent toujours au gouffre du néant.