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brayeuse est connu dans toute la paroisse ; Clémentine Pérusse, grosse blonde souvent rêveuse, dont le regard trouble Philippe Bégin ; Sophie Auger et Sara Filteau, deux amies inséparables à la veille de se séparer, parce qu’elles ont le même amour ; puis Noémie Bélanger, active et rieuse, qui parle, rit et chante sans perdre un coup de braie. Un peu à l’écart, madame Eusèbe surveille la chaufferie. Un échafaud composé de perches de saule placées horizontalement, et les bouts appuyés sur quatre bâtons solidement fixés en terre, se trouve au fond du plateau, au pied de la côte. Il est à l’abri de tous les vents. C’est là, sur cet échafaud, que l’on étend le lin. Au dessous, un feu est allumé qui pétille et fait monter jusqu’au-dessus des bois, les orbes de sa fumée légère. Il faut qu’une main habile attise la flamme trop languissante, ou réprime le foyer trop ardent, car le lin brûlerait ou ne sécherait pas assez. Quelque fois la chauffeuse s’oublie à jaser, et l’âtre flamboie plus vif comme s’il y mettait de la malice. Une langue de feu s’élance et va lécher le lin qui s’enflamme en pétillant. Les travailleurs poussent un cri ; les instruments se taisent ; chacun court de son côté, les uns