mille teintes ; et les vapeurs du matin s’élèvent vers le soleil, comme s’élèvent vers Dieu les parfums que l’encensoir balance devant l’autel. Les pinsons ne chantent plus dans les buissons, car ils ont déserté leurs nids de foin que la neige emplira bientôt de ses blancs flocons. Le duvet glacé des frimas remplacera le chaud duvet de l’oiseau. Dans le calme, on entend retentir, parfois, le fléau laborieux qui broie les épis couchés à quatre rangs sur l’aire de la grange. Les charroyeurs transportent dans leurs charrettes aux larges roues, par les chemins pleins d’ornières, le bois de corde destiné à la ville, et leurs cris grossiers se mêlent aux claquements des fouets. Les troupeaux bondissent dans les chaumes ; la charrue déchire le sein de la prairie et laisse derrière elle un sillon noir. Au bord des ruisseaux, sous les grands arbres, dans les enfoncements mystérieux, retentissent des coups rapides et des éclats de rires. Ce sont les coups de la braie et les rires des jeunes filles. Ceux qui n’ont pas pénétré dans l’endroit solitaire et poétique que l’habitant choisit pour asseoir ses braies et faire sécher le lin, ne savent point quel charme et quelle gaieté remplissent ce lieu.
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