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— Ne soyez pas longtemps à Deschambeault.

— Emmélie, m’aimez-vous ?

— Méchant ! va !

— Dites-le moi !… Il est si doux d’entendre dire : je vous aime ! oh ! dites-le moi !… si vous m’aimez…

— Vous le voyez bien pourtant !…

— Jamais personne ne m’a dit à moi : je vous aime ! jamais !

— Je vous aime !

La voix qui murmure ce tendre aveu est si timide, si faible que l’ex-élève l’ouït à peine… mais elle résonne dans le fond de son âme comme une musique suave, et le fait tressaillir, comme la voix des oiseaux qui se poursuivent ou se recherchent, sous les bois, fait tressaillir le feuillage.

Les heures qui suivirent furent des heures de délices. On ne décrit point les sensations de ces moments ineffables. On ne s’en rend presque pas compte. On oublie tout, douleurs, regrets, haines, plaisirs, espoirs, pour se plonger dans une pensée unique : je suis aimé ! On laisse la terre et ses bruits, on plane haut dans le ciel calme ; on flotte dans un océan de